H.

jeudi 15 janvier 2009
par  Gérald Castéras
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H., c’est Hawad.

Je le rencontre à Bourges. Soirée d’ouverture du salon de la petite édition. Hawad est l’écrivain invité. Dans la salle, il y a ses livres, parmi des milliers d’autres. Au mur, il y a ses peintures. Ce sont des toiles saturées de signes. Des lettres de l’alphabet touareg (le tifinagh). Des traits. Des points. Des sortes de relevés de pistes dans le désert. Des sortes de photographies aériennes qui auraient fixé le passage des hommes et des troupeaux sur la terre au cours des millénaires.

La lecture commence. Une quarantaine d’auditeurs. Hawad extrait de sa poche un carnet de notes. Il va nous lire ses derniers poèmes, non encore publiés, pas encore traduits. Il ne lit pas. Il psalmodie. La langue touarègue (le tamajaght) est pleine de fricatives, de bruits de vent, de sable qui crépite. Parfois il improvise des traductions. Très maladroites. Je préfère quand il lit les poèmes en langue originale. J’ai l’impression d’être perdu au milieu d’un désert immense, effrayant et accueillant. Ses longs doigts tournent les pages. Il a des yeux presque blancs qui regardent loin, très loin. Son chant plane. Je frissonne.

Après la lecture, je lui parle longuement. Non, je lui pose quelques questions. C’est lui qui parle. Il n’arrête pas. C’est un flot de fureur calme qui sort de lui. Il me dit son exil. Sa douleur de ne pouvoir revoir ses terres (le massif de l’Aïr à cheval entre plusieurs pays), ses sœurs, sa famille. Les griffes des compagnies sur son pays : compagnies pétrolières, compagnies uranifères, compagnies horrifères (porteuses d’horreurs). Massacre des maigres ressources. Brigandage. Avilissement consenti de la majorité des nomades. Le saccage des nappes phréatiques. Le saccage des pâturages. Le saccage des puits. La corruption. La dégradation de la langue. La prostitution. Le naufrage.

Les solutions, il n’y en pas. Il est trop tard. Ceux qui ont pris les armes n’arrêteront rien. Il dit qu’il comprend leur désespoir mais les fusils ne feront qu’ajouter des malheurs particuliers à la misère collective. Lui, il a choisi la poésie, la peinture, la parole. Ca ne sert à rien. Pas à rien, mais à pas grand chose. Mais c’est mieux que se vendre. C’est mieux que brûler des cartouches. C’est mieux que faire couler le sang. Les peuples avant lui ont disparu. On les connaît par leur peinture sur les parois de roche. Ses ancêtres ont disparu. On se récite encore leurs épopées. Il a choisi de ne pas briser la chaîne.

Il dit. La poésie, c’est une braise dans la nuit. Minuscule tremblement qui réchauffe la peau, qui chauffe l’eau du thé, qui borde les paroles.

On se serre la main. Très fort.

Je rentre dans la nuit. Le ciel est dégagé. Les étoiles scintillent, venues on ne sait d’où.

(Les curieux pourront consulter : http://www.editions-amara.info)


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